Pourquoi pas moi ?

Lola MANSOUR, Ceinture blanche, Ker, 2018, 103 p., 12€ / ePub : 5.99 €, ISBN : 978-2-87586-242-6

L’auteure est une judokate belge ayant reçu de nombreuses médailles, notamment la médaille d’or aux Jeux olympiques de la jeunesse 2010 et au championnat d’Europe des moins de vingt ans en 2012. Pourtant, ce n’est pas une autobiographie qu’elle nous donne à lire, mais une fiction qui dévoile le parcours d’Anya, douze ans. Celle-ci cherche un but à sa vie et en trouve un : elle veut devenir une championne, pendant que ses copines rêvent de devenir princesses. D’où lui vient cette idée ? Pas de ses parents artistes, en tout cas. Mais peu importe. Anya est habitée par cette idée fixe. Le hic, c’est qu’elle ne sait pas dans quel sport briller.

Sa première démarche est de demander conseil à sa confidente privilégiée, sa grand-mère, rebaptisée Xena, une femme pleine de bon sens malgré les histoires farfelues qu’elle raconte. Encouragée par cette dernière, Anya procède par élimination et met d’office de côté les sports où elle n’a pas les capacités requises.

Je me connaissais désormais suffisamment pour rayer de la liste tout ce qui impliquait un rien de souplesse. Sujette au vertige, je pouvais éliminer tout ce qui se pratique à plus de trente centimètres du sol. Mes exploits aquatiques se limitant à rouler sur mon dos et faire la planche pour survivre en cas de naufrage, la natation ne m’était pas destinée non plus. À coup sûr, mon addiction au chocolat m’empêcherait de devenir jockey. Ma hantise du froid m’éloignait du ski et des disciplines liées à l’hiver. Incapable du moindre sprint, même pour attraper mon bus : adios, l’athlétisme. Plus j’avançais dans ma sélection, plus je devenais perplexe. Mes parents n’avaient pas pu me faire ça ! Ils avaient bien dû me transmettre un milligramme de capacité, un grain de virtuosité sportive, non ?

Ensuite, Anya se lance dans une série d’essais et erreurs en gymnastique et en basket, où elle essuie quelques ricanements et humiliations. Dépitée et un peu perdue, elle assiste par hasard à un entraînement de judo qui l’attire irrésistiblement. Et c’est l’étincelle ! On vit alors avec elle ses premiers pas peu assurés dans la discipline et ses entraînements, d’abord chez les débutants puis chez les compétiteurs. Le judo prend une place de plus en plus importante dans sa vie, mais le plus beau, c’est que l’héroïne commence à prendre confiance en elle, à se sentir à sa place quelque part, elle commence à vibrer.

Ma victoire à Rotterdam représente un premier orteil posé dans l’équipe nationale. Je sais qu’elle n’est qu’une note de la symphonie que je souhaite composer. Mais peu importe le chemin à parcourir, il n’est plus question de course extravagante après une gloire aléatoire. Il s’agit à présent d’émotions réelles que je désire revivre et de limites palpables que je souhaite repousser. Je parle de quelque chose qui me fait vibrer, rayonner, me dresse tous les poils – que je n’ai jamais la force d’épiler – et me comprime chaque parcelle de la poitrine. J’ai finalement trouvé un projet dont je suis le capital et pour lequel je souhaite m’investir de toutes mes forces. Un moteur vient de démarrer en moi et est disposé à prendre la route. Je ne sais pas où me mènera cette barque dans laquelle j’ai sauté ; après tout, il y a tant de candidats et si peu d’élus. Mais ces stars que j’admire, ces vedettes que nous envions, sont-elles si différentes de nous ?

Il est touchant de suivre le chemin de ce petit bout de femme caractérisée par une belle autodérision : Anya a une capacité désarmante de se moquer d’elle dans les circonstances embarrassantes. Cela donne un ton assez léger à l’histoire et casse un peu le préjugé sur l’arrogance des sportifs de haut niveau. On sent aussi que le vécu de Lola Mansour lui permet de traiter avec maturité un thème qu’elle maîtrise bien. Le style ciselé est également à saluer chez cette jeune auteure.

Ceinture blanche a été préfacé par Charline Van Snick, médaillée olympique et double championne d’Europe en judo. Le roman a reçu le prix Jeune Public Brabant wallon de la Fondation Laure Nobels 2018.

Séverine Radoux

Source : https://le-carnet-et-les-instants.net/2018/12/14/mansour-ceinture-blanche/