Un roman qui m’attendait depuis quelques mois et que le mois belge m’aura motivée à lire. Non que l’envie manquât, Fidéline Dujeu ne m’a jamais déçue et je me réjouissais de découvrir son dernier roman, mais le sujet me faisait un peu peur : la rencontre d’une mère au foyer, isolée et enfermée dans une relation de soumission à son mari (rencontré alors qu’elle n’avait que 16 ans), et d’une ancienne carmélite, Sybille, ayant quitté les ordres après vingt ans d’engagement envers Dieu.

Une histoire qui m’inquiétait, peur du malaise. Mais Fidéline reste Fidéline. Et c’est à nouveau un roman tout en douceur, en empathie et sans jugement aucun envers ses personnages qu’elle nous offre. Des phrases courtes, en suspens. Des silences. Pour évoquer le dialogue entre ces deux femmes qui ont voué leur vie à un amour exclusif, douloureux. Pour raconter leur solitude. Puis, leur prise de conscience. Qui mènera Sybille à quitter les ordres. Et la narratrice à reconsidérer peu à peu cette vie dans laquelle elle s’est enfermée il y a si longtemps.

Extraits

Sybille raconte et je vois dans son regard les reflets de cette folie qui l’a habitée. Et je vois dans son regard les reflets de cette folie qui l’a habitée. Et je vois dans son regard les reflets de cette folie qui m’habite.

C’est une carmélite qui me parle de moi. Moi, femme soumise à son corps, femme-objet. C’est une femme qui n’a jamais connu la sexualité qui m’en parle, me révèle. (p. 60)

Je m’entends dire non. J’irai me promener seule dans les bois.

La surprise sur ses traits, quelque chose qui ressemble à de l’épouvante et le laisse sans voix.

Je vacille, ma force me fait peur.

A quoi m’accrocher si je me détache de lui ? Comment vivre sans croire en quelqu’un ?

Je me défends de croire en Dieu, bec et ongles, je me défends. Mais. Je tiens debout. Je sais que seule je suis une feuille d’arbre tombée, une branche à la dérive.

Pourtant, je tiens debout.

[…]

Je n’ai pas repéré les chemins, je n’ai pas de carte, j’avance au gré de mes désirs, hors contrôle. Je dessine vaguement une boucle d’une dizaine de kilomètres dans mes pensées et je la suis. Je crois. Je ne me perdrai pas.

Si je dois reconnaître que je crois, au moins ne pas mettre de complément. Qu’il n’y ait aucun nom, aucune forme, aucune image. (p. 92-93)


L’occasion de découvrir également une jeune maison d’édition belge de qualité : Ker éditions.

Fidéline Dujeu, Des barreaux aux fenêtres, Ker Editions, 2014

 

Source : https://desmotsetdesnotes.wordpress.com/2015/04/17/un-billet-de-nadege-des-barreaux-aux-fenetres/comment-page-1/#comment-30683