15 nouvelles à liker

COLLECTIF, #balancetavie, Ker, coll. « Double jeu », 2019, 242 p., 10 €, ISBN : 9782875862525

Treize écrivains, quinze nouvelles, un sujet. Voilà le programme du nouvel ouvrage collectif que Ker éditions a consacré à la thématique de la traçabilité de notre vie sur le web. La maison n’en est pas à son coup d’essai puisqu’en 2015, elle avait publié un premier recueil de quatorze nouvelles, Le peuple des Lumières, autour du fondamentalise et du terrorisme, puis, en 2017, L’heure du leurre, qui traitait du populisme et du racisme. Toujours dans la collection Double jeu, qui a vocation à proposer des textes littéraires pour adolescents susceptibles d’être lus et travaillés dans les classes de l’enseignement secondaire, #balancetavie s’empare d’un autre sujet d’actualité pour offrir aux professeurs un outil ad hoc afin d’évoquer en classe cette problématique.

Désormais, ce n’est plus un secret pour personne : nos données personnelles sont stockées et utilisées sur le web et nous appartiennent chaque jour de moins en moins. Jusqu’où cela pourrait-il aller ? C’est la question que Ker éditions a posée à différents auteur.rice.s belges, de différentes générations, et chacun y a répondu à sa manière.

Après un premier récit non fictif de Birgitta Jónsdóttir, qui raconte comment elle a participé à la création de Wikileaks et s’est liée d’amitié avec Edward Snowden, quatorze fictions explorent les dérives possibles de l’emprise du digital sur nos vies.

Grégoire Polet imagine un système scolaire ultra-surveillé qui, sous couvert de sécurité pour tous, fait des plus démunis des coupables. Fanny Lalande dénonce la fascination stérile d’un réseau nommé The Wall. Vincent Engel raconte une erreur judiciaire causée par un mauvais numéro de téléphone et un historique de navigation sur le web. Dans une nouvelle policière d’Armel Job, il est question de cyberharcèlement au travail aux conséquences funestes. Colette Nys-Mazure dépeint une tranche de vie d’un adolescent qui regrette l’impossibilité d’une intimité à une époque de surexposition. Frank Andriat imagine une dénonciation des réseaux sociaux qui tourne malheureusement au buzz. Jean Claude Bologne parle de l’obsession d’un adolescent pour la protection de son secret le plus intime. Malika Madi narre le parcours d’un délinquant repenti devenu le roi des réseaux sociaux pour fuir un passé difficile.

On soulignera l’excellente nouvelle de Geneviève Damas, Ce ne sont que des mots, qui donne voix à une petite harceleuse d’apparence irréprochable. La justesse du récit marque d’autant plus les esprits qu’il s’éloigne d’une perception manichéenne et offre une analyse très fine des mécanismes psychologiques à l’œuvre dans les cas de harcèlement numérique en milieu scolaire.

Alors que certaines nouvelles posent leur récit dans une société future très éloignée de la nôtre, plusieurs autres ont choisi de garder comme cadre notre monde actuel. Les dérives existent en effet depuis longtemps, et il suffit parfois de planter le décor à notre époque et d’imaginer une histoire réaliste pour qu’elle soit glaçante. Bien souvent, les récits poussent un personnage à la chute. Dans le meilleur des cas, à la désillusion. Un recueil qui délivre un message susceptible d’intéresser les adolescents d’aujourd’hui, nés avec internet et confrontés chaque jour à son emprise. Espérons que ce livre les amènera à interroger leurs pratiques et développer leur esprit critique.

Fanny Deschamps

Source : https://le-carnet-et-les-instants.net/2019/12/25/balance-ta-vie/