Quel avenir pour l’humanité ?
COLLECTIF, Les bâtisseurs, Ker, 2019, 158 p., 10 €, ISBN : 978-2-87586-260-0
Les bâtisseurs est un recueil de onze nouvelles écrites pas onze auteurs jouissant d’une certaine renommée dans le monde de l’écriture. Il nous propose un florilège de ce qu’il peut advenir dans le monde face à la crise climatique. Tantôt optimistes, tantôt plus sombres, souvent avec une fin ouverte, les nouvelles nous font découvrir des imaginaires très variés…
Le recueil s’ouvre avec une nouvelle constituée de fragments autobiographiques de Rob Hopkins, un écrivain et professeur de permaculture britannique devenu célèbre notamment depuis son apparition dans le documentaire Demain. Il nous livre quelques moments de vie qui retracent son cheminement et esquissent comment il en est arrivé à son engagement actuel vis-à-vis du problème climatique. Il nous invite à changer de regard, en espérant qu’une des nouvelles du recueil agira telle une étincelle nous incitant à changer le monde. Le ton est donné : inspirant (« Jusque-là, je voyais le monde comme il était. Après ce stage, j’ai commencé à le voir comme il pourrait devenir. […] au début, on ne sait jamais si on arrivera à changer les choses. Tout ce qu’on sait, c’est qu’en ne faisant rien, on ne résoudra pas grand-chose. […] Désormais, pour reprendre les mots de l’activiste Naomi Klein, il n’existe plus d’options non radicales. »).
Nous plongeons ensuite dans différents scénarios possibles : un monde du tout électronique touché par une panne d’électricité générale, un autre où la nature est éradiquée mais où des activistes tentent de sauver les dernières semences avant l’extinction des espèces végétales, une communauté sous la protection des « Autorités Invisibles » où chaque membre est caractérisé par une singularité physique ou psychique et où il est interdit de lire…
Outre les univers variés, nous avons l’occasion de découvrir une galerie de personnages intéressants : entre un prêtre de campagne confronté au surnaturel, un guillotineur désabusé, un élève hésitant entre rater son interro et manifester pour le climat, ou un adolescent irradié et de factomutant, on doit avouer qu’il est difficile de ne pas s’interroger, voire s’insurger…
La justice, c’est la justice. Point à la ligne. À partir de là, chacun fait son boulot. Il faut des juges, il faut un exécuteur. Qu’est-ce que la société deviendra quand les juges se mettront à se poser des questions ? Les militaires, par exemple, est-ce qu’ils raisonnent, eux ? Elle serait belle, la guerre, si les généraux pesaient le pour et le contre, si chaque artilleur se tâtait avant de balancer ses obus, en se demandant sur qui ils vont tomber !
Vous l’aurez compris, l’atout de ce recueil de nouvelles est de présenter une grande ouverture dans le type de personnage et de scénario évoqué. Chaque auteur garde son style, tantôt pour servir la fiction, tantôt pour se lâcher (la nouvelle de Véronique Bergen est à ce titre particulièrement jouissive !). Il est difficile de ne pas être touché par un thème à la Une des médias et de ne pas se demander quel monde nous voulons bâtir. Une petite inquiétude toutefois : le recueil est destiné à la jeunesse et le style parfois très littéraire pourrait lasser un lecteur peu au fait des allusions culturelles glanées dans certaines nouvelles.
Séverine Radoux
Source : https://le-carnet-et-les-instants.net/2019/11/01/collectif-les-batisseurs/